Wonderful-art vous emmène, cette semaine, dans le plus fascinant et le plus touchant des voyages .
Un voyage aux confins de l’esprit… de la création brute…

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Découvrons ensemble, la plus touchante, la plus prolifique et l’artiste la plus représentative d’un art, qu’ a qualifié Jean Dubuffet, d’Art Brut*,  qui se trouve en la personne d’ Aloïse Corbaz.

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Jean Dubuffet dit d’elle, après sa mort, dans une lettre à Jacqueline

Porret-Forrel (médecin et amie d’Aloïse) :

« Elle n’était pas du tout folle (…) Elle s’était guérie elle-même par le procédé qui consiste à cesser de combattre le mal et entreprendre, tout au contraire, de le cultiver, de s’en servir, de s’en émerveiller,
d’en faire une raison de vivre passionnante (…)
Le merveilleux théâtre qu’elle donnait constamment était pour elle un plan de refuge inattaquable, une scène où personne ne pouvait monter, ne pouvait l’atteindre (…) Mais folle, sûrement pas. Très lucide, j’en suis
persuadé, retranchée dans son si ingénieux cocon
qu’elle s’était fabriqué… ».

 

Aloïse Corbaz :
“le monde ancien, le monde d’autrefois”.

Née en 1886 en Suisse, d’une mère paysanne (qu’elle perdra à l’ âge de 11 ans) et d’un père employé des postes . Petite, son rêve était de devenir cantatrice…

A 18 ans , après avoir eu son diplôme de culture générale, elle suit des cours de chant . Elle s’inscrit par la suite à l’école professionnelle de couture de Lausanne.

Elle tombe, alors, passionnément  amoureuse d’un étudiant en théologie . Sa sœur pour mettre fin au scandale, l’envoie à Postdam (Allemagne) pour y être gouvernante des enfants du chapelain de Guillaume II.

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Elle développe, pour  l’ Empereur Guillaume II,  une passion qu’elle sait impossible,  elle l’évoque dans une correspondance qui restera sans réponse.

« Que ne puis-je retremper mon âme en feu dans les yeux de firmament constellé d’étoiles d’un homme inaccessible que j’aime éperdument. »

Contrainte de retourner dans sa famille en Suisse, un peu avant la Première Guerre mondiale,  elle  laisse libre cours, de nouveau, à une passion délirante pour le pasteur Gabriel Chamorel . Elle développe, à partir de là, des sentiments religieux, pacifistes et humanitaires exacerbés.

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1918 , sera le début de la fin de ce qu’elle appelle son “monde ancien, monde d’autrefois”, avec son internement à l’hôpital psychiatrique de Cery (Suisse). Elle y sera diagnostiquée schizophrène.

En 1920 elle est définitivement internée à l’hôpital de Rosière et y restera jusqu’à sa mort en 1964.

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La catharsis** grâce à l’art brut.

Pendant les 10 premières années de son internement, Aloïse reste enfermée dans un profond mutisme.

Elle en sort petit à petit lorsque qu’elle commence à repasser les vêtements des patients.

Dans le plus grand secret, Aloïse se met à dessiner sur des petits bout de journaux récupérés ci et là . Couturière de formation , elle n’hésite pas à coudre les morceaux entre eux pour obtenir de plus grands formats et à les cacher dans ses corsages.

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La plupart de ses œuvres seront détruites par le personnel soignant jusqu’en 1930, date à laquelle le docteur  Hans Steck (psychiatre et directeur de l’hôpital) commence à s’intéresser à ces œuvres “hors normes”. Il n’aura, alors de cesse de conserver les créations d’Aloïse.

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C’est en 1941, que le docteur Jacqueline Porret-Forrel (médecin psychiatre) arrive, en gagnant la confiance d’ Aloïse, à décrypter toute l’ampleur du travail et les codes complexes qui définissent l’univers mis en place par cette dernière.

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Encouragée et soutenue, Aloïse peut, dès lors, laisser libre cours à une production monumentale et pleine de couleur qui sera précieusement conservée.

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Elle délaisse les crayons, gouaches,pastels offert par son amie (Jacqueline Porret-Forrel), préférant les matériaux trouvés par elle même, fait de fleurs qu’elle écrase pour en obtenir un jus pastel.

Refusant tout gaspillage, elle use ses crayons jusqu’à les écraser  avec sa salive dans une cuillère, obtenant une pâte qu’elle applique à même le papier.

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C’est dans ce contexte propice à la création libre qu’elle offre solennellement à Jacqueline Porret-Forrel, une œuvre majeure et emblématique de son travail,
“ Le cloisonné théâtre “ en 1951.

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Cette œuvre accompagnée d’une lettre explicative, reste une œuvre majeure qui développe les thèmes et le style présent dans toutes ses créations.

Jean Dubuffet à la rencontre d’Aloïse :
la légitimité d’un art fait de folie pure.

C’est en 1946, lors de son second voyage en Suisse, que Jean Dubuffet s’intéresse aux œuvres d’ Aloïse.

C’est un an auparavant qu’il commence l’étude méthodique des productions des peintres spirits, malades mentaux et de prisonniers . Il sera le créateur de la notion “ d’Art Brut”.

Il n’aura de cesse de rechercher de nouveaux artistes et découvrira, grâce à des médecins comme le docteur Morgenthaler, des artistes comme Adolf Wölfli et Heinrich Anton Müller.

En 1947, Jacqueline Porret-Forrel ayant pris connaissance de l’intérêt de Jean Dubuffet pour Aloïse, présente quelques dessins, lors d’un voyage à Paris.

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Elle écrira, par la suite au sujet de cette rencontre :

“Dubuffet a été littéralement enchanté par Aloïse qui a compté parmi ses artistes bruts préférés. Il a saisi d’emblée la nature intime de sa création, ses processus de pensée, sa vision mentale et en a fait un
exposé d’une fulgurante intuition dans les Publications de l’Art Brut.”

Elle acquit alors une notoriété et une légitimité dépassant peut être son rêve de petite fille de devenir une cantatrice…

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Cloisonné de Théâtre :
mise en scène de la vie d’ Aloïse.

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Le Cloisonné de Théâtre est une œuvre monumentale sur un rouleau de papier de 14m de long sur 1m de large.

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Aloïse Cordaz utilise différentes techniques comme les fleurs écrasées à même le papier, crayon de couleurs, craies grasses.

Les différents morceaux de papier sont cousus entre eux, rendant l’œuvre extrêmement fragile . Jacqueline Porret-Forrel en parle en ces termes dans son livre :  Aloïse ou le Théâtre de l’Univers.

« Sur ces quatorze mètres de papiers cousus les uns aux autres, ce rouleau met en scène le drame amoureux qu’a vécu Aloïse, en une pièce composée d’actes et
d’interludes ».

> Acte 1 : un bal de nuit et la passion amoureuse

Dans l’acte 1 la représentation du couple amoureux, rappelle les épisodes de sa vie qui étaient remplis de joie, d’amour et de passion.

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> Acte 2 : un rêve de paradis de Paris et la séparation des amants

Dans l’acte 2, un côté plus sombre y est développé. La séparation des amants évoque ses déceptions et ses frustration amoureuses.

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> Acte 3 : Madame Récamier dans les bras de Dieu

L’acte 3 évoque aussi la déception de la chair.

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Conclusion : le sens de lecture est inversée

La conclusion, elle, est plus spirituelle. Elle évoque par l’intermédiaire des représentations d’Amour et de Psyché, l’espoir de retrouver dans l’au-delà les êtres aimés.

Cette œuvre ne doit pas être vue et considérée comme le copié collé de la vie d’Aloïse mais plus comme l’ invention d’une histoire proche de la sienne. Les différents actes y sont codifiés de manière complexe selon une certaine dramaturgie.

Cette gigantesque mise en scène réinvente à la fois sa vie, son image et son univers.

Le triste revers de la médaille.

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Vers le début des années 1960, la notoriété d’Aloïse attira l’attention des pouvoirs publics. Dans leur soucis de vendre et rendre “meilleurs” le travail d’Aloïse, il lui assigne une ergothérapeute. Sous son contrôle Aloïse perd toute spontanéité, dessinant des œuvres inhabitées et sans vie.

Aloïse meurt quelque mois plus tard. Laissant derrière elle, un travail monumental, plein de force, de beauté, de complexité qui ne tombera pas, heureusement, dans l’oubli des murs froids de l’hôpital où elle passa sa vie.

Grâce à la sensibilité et la clairvoyance de médecins, d’artistes, des malades mentaux, des peintres spirits, des prisonniers sortent désormais du cadre étriqué que la société leur impose, pour nous emmener dans un univers riche, parfois sombre, parfois plein de lumière, de rêves, d’hallucination, dans des visions du passé, du présent , du futur…

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Ne nous délivrent t-ils pas, ces artistes hors normes, par là même occasion, un message universel?

Celui de poser un regard nouveau sur un monde qui peut nous paraître étrange, singulier et inaccessible et pourtant si familier et à notre portée lorsque l’on y regarde de plus prêt?

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Ne sommes nous pas, nous, les fous, les prisonniers de ce monde étriqué?

 

Je vous recommande ce petit reportage des archives de la télévision suisse, vous y découvrirez Aloïse parler de son travail, moment que je trouve particulièrement émouvant .

http://www.rts.ch/archives/tv/divers/progres-de-la-medecine/3435635-l-art-brut-a-cery.html

A bientôt, pour de nouvelles découvertes!!

Manue

*Art Brut: L’art brut est un terme inventé par le peintre Jean Dubuffet pour désigner les productions de personnes exemptes de culture artistique. Il regroupa ces productions au sein d’une collection, la  Collection de l’art brut.

L’Art brut regroupe des productions réalisées par des non-professionnels de l’art, indemnes de culture artistique, œuvrant en dehors des normes esthétiques convenues (pensionnaires d’asiles psychiatriques, autodidactes isolés, médiums, etc ). Dubuffet entendait par là un art spontané, sans prétentions culturelles et sans démarche intellectuelle.

Dubuffet redéfinira souvent l’art brut, cherchant à le distinguer de l’art populaire, de l’art naïf, des dessins d’enfants, créant même la Neuve Invention au sein de sa collection à laquelle il intègre également l’art singulier genre où se mêlent les habitants paysagistes et les naïfs rassemblés dans une exposition en 1978 au Musée d’art moderne de la ville de Paris. Cette même exposition présente « Les Marges de l’art populaire ».

« les Singuliers de l’art travaillent sans apprentissage, sans modèles hérités, ni savoir transmis, sans marché défini et ont fort peu à voir avec les artistes – Raymonde Moulin.

**Catharsis: /ka.taʁ.sis/féminin singulier et pluriel identiques

  1. (Théâtre) Purification des passions (selon Aristote chez le spectateur d’une représentation dramatique.
    • La catharsis fait intervenir une représentation d’un acte réprimé (par la morale, voire par la Loi), et c’est cette représentation qui permet au spectateur de se « défouler ».
  2. (Psychologie) Thérapie utilisant l’extériorisation des traumatismes vécus.
    • Ce qui a été réprimé veut se libérer, manifeste le besoin de s’exprimer : c’est la catharsis.

Sources :
Wikipédia, archives radio télévision suisse, collection abcd Art Brut (Montreuil), Aloïse Cobaz proposition de Xavier Ballieu, guide conférencier du LAM musée d’art moderne de Villeneuve d’Ascq .

One thought on “Aloïse Corbaz : un autre regard sur la folie, un autre regard sur l’art brut

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