La Tombe Palais ou Tombeau à étage - Pétra (Jordanie)-www.wonderful-art.fr
Tombeau à étage

Il y a quelques semaines, je vous ai fait découvrir le joyau de la civilisation nabatéenne au cœur du désert jordanien … Pétra .

Pour compléter cet article, j’aimerais vous montrer à quel point la spiritualité nabatéenne a influencé leur incroyable créativité.

La religion de ce peuple arabe est rarement présentée au grand public. Pourtant, elle exista pendant plusieurs siècles.

Un joyau architectural monumental :

C’est grâce à la nature géologique particulière de grès ocre, que les ambitions “pharaoniques” nabatéennes ont pu prendre vie.

Cette roche tendre a été creusée grâce à des échafaudages fixés à même la paroi,  dont les encoches sont encore visibles aujourd’hui.

Les artistes commençaient leur ouvrage par le haut en sculptant les frontons, les colonnes, les décorations, chapiteaux, bas reliefs et  les statues.

Tombeau de l’urne

Petra-Tombeau de l'Urne-www.wonderful-art.fr

Ils trouvent leur inspiration dans le melting pot de cultures mêlant les corniches égyptiennes, décors alexandrins, et merlons (degrés) mésopotamiens, tout cela organisé avec harmonie.

Détail de la façade du Trésor

Petra-Tresor-Detail-façade-www.wonderful-art.fr

Une fois les décors sculptés, la falaise était évidée afin d’installer les chambres funéraires et les banquettes du triclinium (qui permettaient aux familles des défunts et aux membres des confréries religieuses de festoyer).

Durant 6 siècles les nabatéens vont tailler dans la roche plus de 700 édifices se répartissant sur plusieurs kilomètres.

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L’architecture funéraire de Pétra, est une splendide alliance d’influences assyriennes, grecques, romaines et surtout égyptiennes.

On distingue trois types de styles principaux déterminés par la fonction des lieux.

Les tombeaux temples, comme le khazneh (le Trésor) et le Deir (le Monastère) par exemple, sont d’inspiration gréco romaine, elles se distinguent par une décoration très riche.

Le monastère (le Deir)

Vue sur le Deir (Monastère)-www.wonderful-art.fr

Les tombeaux d’Hégra, eux,  en forme de tour richement décorées, possèdent une chambre funéraire. Le style mêle des éléments égyptiens et orientaux sous forme de frontons et de pilastres. Le nom d’Hégra vient d’un site nabatéen se trouvant en Arabie Saoudite réplique plus modeste de Pétra.

Tombeaux de type Hégra

Tombeau de type Hégra - Pétra-www.wonderful-art.fr

Les espaces privés ( habitations et lieux de vie quotidienne) sont eux, de style arabe, plus sobres et dépourvus de fenêtres, donnant sur des cours intérieures. Leurs hauteurs ne dépassent pas 2 étages. Des bancs en pierre permettent de s’asseoir pour manger, le reste du mobilier semble avoir été en bois, car il n’en existe que très peu de traces.

Maisons troglodytes

Petra-maisons-troglodytes-www.wonderful-art.fr

Les cuisines sont des bâtiments éloignés des habitations, sans doute pour limiter les risques d’incendie.

Les toits sont plats, sans tuiles, privilégiant les mosaïques et les dalles pour les sols.

Mosaïque présente à Pétra

mosaique de petra-www.wonderful-art.fr

On se rend compte que malgré la multitude de styles qui compose l’architecture de Pétra, celle-ci est régie et déterminée selon la fonction du lieux. Les bâtiments publics et funéraires reflètent la richesse et l’assimilation de cultures différentes. Les bâtiment privés reflétant la sobriété,  la simplicité d’une vie autrefois nomade.

L’assimilation d’autres cultures ne se manifestent pas seulement au niveau architectural et social. Elle se retrouve aussi dans la spiritualité.

La spiritualité nabatéenne à l’image de leur culture… cosmopolite :

Le bariolage ne se retrouve pas seulement dans les couleurs de la roche et dans l’éclectisme architectural, mais aussi dans la religion nabatéenne.

En effet, les nabatéens ont adopté les divinités édomites d’Arabie centrale ou de Syrie-Palestine, ainsi qu’une partie du panthéon gréco romain. Les statues de leurs dieux principaux, Dusarès, né d’une vierge, est un savant mélange du dieu grec Zeus et de Baal le cananéen* (civilisation pré hébraïque*). La déesse al-Uzzâ , “la très forte”, (qui a été adorée à la Mecque) ressemble à Aphrodite (Grèce) et Isis ( Egypte). Ils ont assimilé aussi d’autres dieux issus des peuples nomades, et vénéré un Allah et un Yahvé (encore peu exclusifs à cet époque).

Pour mieux cerner la spiritualité nabatéenne, il est important d’évoquer les principaux dieux et déesses qui la composent.

> Le panthéon nabatéen :
  • Principaux dieux issus de la culture édomite et cananéen :

– Qôs : Dieu de l’orage et de la pluie pour édomites.
– Baalshamîn ( Baal)  qui signifie souvent  le maître ou l’époux.

  • Principaux dieux issus de la culture gréco-romaine :

Les nabatéens, conformément à la tradition sémitique, ne nommaient leurs dieux que par des épithètes.

– Le principal dieu était Dushârâ (Dusarès), qui signifie “celui de Shara” (nom de la chaîne de montagne à l’est de Pétra. Il est le protecteur  de la dynastie royale. Son culte était célébré à Pétra dans le temple de Qasr el-Bint.

– Al-Uzza-Atargatis, déesse de la fertilité, de la végétation et des eaux. Selon Lucien de Samosate, les adeptes d’atargatis étaient castrés, elle est notamment représentée sur le Khazneh.

  • Principaux dieux issus de la culture arabe :

– Shay-al Qawn “le pasteur des peuples” ou “le dieu qui ne boit pas de vin”. Il est le protecteur des nomades et des caravanes.

– Manawât, déesse du destin.

– Al-Kutbâ, “le scribe”, est lui  le dieu de l’écriture et de la divination.

Il s’agit d’une liste non exhaustive, l’article étant déjà conséquent.

  • les bétyles :

Bétyle du temple de lions ailés

bétyle-www.wonderful-art.fr

Tous les dieux nabatéens sont le plus souvent figurés sous une forme abstraite par des pierres sacrées,  appelées bétyles. Ces pierres ne sont pas destinées à représenter le dieu mais à signaler sa présence, ce que traduit l’étymologie sémitique du terme, beth-el, « la maison de dieu ». Généralement, le bétyle n’est pas une représentation figurée, au mieux un visage stylisé aux traits géométriques. Le bétyle repose sur un socle, le môtab qui peut prendre la forme d’une estrade,  précédée de quelques marches comme sur le haut lieu. Une source byzantine précise que Dushârâ était adoré sous la forme d’une « pierre noire, quadrangulaire et aniconique » sur laquelle on versait le sang des victimes offertes en sacrifice.

Les bétyles sont abondants à Pétra : taillés à même le rocher ou simplement gravés, souvent protégés par une niche. Les bétyles trouvés à Pétra datent sans doute du IIe ou du IIIe siècle av. J.-C. Le célèbre bétyle trouvé dans le temple des lions ailés signale ainsi que ce temple est dédié à al-Uzza.

extrait de l’article sur cliolamuse.com

Les rituels religieux :

Les visiteurs de passage à Pétra devaient offrir des sacrifices sanglants et des fumigations à Dushârâ ou  à Uzzâ. Ces sacrifices se déroulaient sur un espace à ciel ouvert nommés “haut lieu”.

Obélisque visible du Haut lieu du sacrifice

Obélisque (Haut Lieu du Sacrifice)-www.wonderful-art.fr

Pour honorer leurs dieux et leurs morts , les nabatéens,  au nombre de treize, en comptant l’hôte (exclusivement des hommes), organisaient des banquets dans les tricliniums. Ils prenaient place sur les banquettes de pierre et écoutaient des chanteuses en buvant du vin, le nombre de coupes à boire était fixé à l’avance par l’hôte ou le convive le plus prestigieux.

Quelque soit son rang, l’hôte servait ses invités. Ce rituel bédouin n’est pas sans rappeler la Cène, où Jésus servit ses douze apôtres durant le repas qui précéda sa Passion.

Les cérémonies traduisent la profonde estime que les vivants vouaient à leurs morts, leur offrant aussi des dépôts funéraires tels que vases en céramique, lampes à huile, figurines en terre cuite, bijoux, pièces de monnaie etc.

Les sépultures étaient aussi protégées par des malédictions qui frappaient quiconque les pillaient.

Tombe Uneishu à Pétra

Uneishu_Tomb,_Petra-www.wonderful-art.fr

Les morts, couverts d’un linceul taillé dans des vêtement usagés ou de cuir, étaient enterrés la tête tournée vers le sud.

Les tombes étaient individuelles, il s’agissait le plus souvent d’une fosse rectangulaire recouverte d’une dalle. Parfois les fosses étaient collectives composées de puits compartimentés. Dans certain cas les défunts étaient mis dans des sarcophages en pierre ou en bois. Les archéologues ont aussi retrouvé des traces d’incinération ou d’ensevelissement dans la chaux.

Tombeau à urne

le tombeau a urnes-www.wonderful-art.fr

Leur religion disparaîtra avec eux dans le sang et l’oubli.

 

A travers cet article, on comprend combien les nabatéens étaient influencés par les cultures qu’ils côtoyaient. A la fois, grâce au commerce qui permettait la rencontre de peuples de la région environnante, mais aussi venus de toute la méditerranée. Ils échangeaient bien plus que des marchandises. Leur richesse accumulée durant des siècles était non seulement pécuniaire mais aussi culturelle, artistique et spirituelle.

Les nabatéens, peuple nomade du désert, est devenu un peuple sculpteur de monument hors pair à la gloire de la culture et de la religion, sachant intégrer avec la plus grande rigueur et le plus grand respect des cultures environnantes.

Résistants, pour un temps, aux attaques des peuples envieux de leurs richesses, il ne reste aujourd’hui que ce témoignage sculpté à fleur de roche battu par le vent et le sable… Pétra “le joyaux du désert” .

Les nabatéens ne nous donnent t-ils pas ici, le plus magnifique témoignage de la capacité que l’homme a de dépasser les clivages culturelles, sociaux et religieux pour créer un monde idéal?

 

Sources :
FAUJAS ALAIN – Publié le 1 novembre 2006 – Le Monde des Religions n°20
www.wikipedia.fr
www.suite101.fr/article/les-principaux-dieux-des-nabateens-de-petra
 www.cliolamuse.com/spip.php

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